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The Principal Navigations, Voyages, Traffiques and Discoveries of the English Nation Volume X Part 17

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Ce village est habite par des Rasciens. Le jour de Paques, j'y entendis la messe en langue Sclavonne. Il est dans l'obedience de l'eglise Romaine, et leurs ceremonies ne different en rien des notres.

La place, forte par sa situation et par ses fosses, tous en glacis, a une enceinte de doubles murs bien entretenus, et qui suivent tres-exactement les contours du terrain. Elle est composee de cinq forteresses, dont trois sur le terrain eleve dont je viens de parler, et deux sur la riviere. De ces deux-ci, l'une est fortifiee contre l'autre; mais toutes deux sont commandees par les trois premieres.

Il y a aussi un pet.i.t port qui peut contenir quinze a vingt galeres, et qui est defendu par une tour construite a chacune de ses extremites. On le ferme avec une chaine qui va d'une tour a l'autre. Au moins c'est ce qu'on m'a dit; car les deux rives sont si eloignees que moi je n'ai pu la voir.

Je vis sur la Sanne six galeres et cinq galiottes. Elles etoient pres l'une des cinq forteresses, la moins forte de toutes. Dans cette forteresse sont beaucoup de Rasciens; mais on ne leur permet point d'entrer dans les quatre autres.

Toutes cinq sont bien garnies d'artillerie. J'y ai remarque sur-tout trois bombardes de metail (canons de bronze) dont deux etoient de deux pieces, [Footnote: La remarque que l'auteur fait ici sur ces trois canons sembleroit annoncer que ceux de bronze etoient rares encore, et qu'on les regardoit comme une sorte de merveille. Louis XI en fit fondre une douzaine, auxquels il donna le nom des douze pairs. (Daniel, Mil. Franc, t.

I, p. 825.)] et l'une d'une telle grosseur que jamais je n'en ai vu de pareille: elle avoit quarante-deux pouces de large dedans ou la pierre entre (sa bouche avoit quarante-deux pouces de diametre); mais elle me parut courte pour sa grosseur. [Footnote: La mode alors etoit de faire des pieces d'artillerie d'une grosseur enorme. Peu de temps apres l'epoque ou ecrivoit notre auteur, Mahomet II, a.s.siegeant Constantinople, en employa qui avoient ete fondues sur les lieux, et qui portoient, dit on, deux cents livres de balle. La Chronique Scandaleuse et Monstrelet parlent d'une sorte d'obus que Louis XI fit fondre a Tours, puis conduire a Paris, et qui portoit des balles de cinq cents livres. En 1717, le prince Eugene, apres sa victoire sur les Turcs, trouva dans Belgrade un canon long de pres de vingt-cinq pieds, qui tiroit des boulets de cent dix livres, et dont la charge etoit de cinquante-deux livres de poudre (Ibid p. 323.) C'etoit encore un usage ordinaire de faire les boulets en gres ou en pierre, arrondis et tailles de calibre pour la piece. Et voila pourquoi la Brocquiere, parlant de l'embouchure du canon, emploie cette expression, "dedens ou LA PIERRE entre."]

Le capitaine (commandant) de la place etoit messire Mathico, chevalier de Aragouse (d'Arragon), et il avoit pour lieutenant un sien frere, qu'on appeloit le seigneur frere.

Sur le Danube, deux journees au-dessous de Belgrade, le Turc possede ce chateau de Coulombach, qu'il a pris au despote. C'est encore une forte place, dit-on, quoique cependant il soit aise de l'attaquer avec de l'artillerie et de lui fermer tout secours; ce-qui est un grand desavantage. Il y entretient cent fustes pour pa.s.ser en Hongrie quand il lui plait. Le capitaine du lieu est ce Ceynam-Bay dont j'ai parle ci-devant.

Sur le Danube encore, mais a l'opposite de Belgrade, et dans la Hongrie, le despote possede egalement une ville avec chateau. Elle lui a ete donnee par l'empereur, [Footnote: Sigismond, roi de Boheme et de Hongrie. On pretend que Sigismond ne les donna qu'en echange de Belgrade.] avec plusieurs autres, qui lui font un revenu de cinquante mille ducats, et c'etoit a condition qu'il deviendroit son homme [Footnote: Deviendroit son homme.

Cette expression de la feodalite du temps indique l'obligation du service militaire et de la fidelite que le va.s.sel devoit a son suzerain.] mais il obeit plus au Turc qu'a l'empereur.

Deux jours apres mon arrivee dans Belgrade j'y vis entrer vingt-cinq hommes armes a la maniere du pays, que le gouverneur comte Mathico y faisoit venir pour demeurer en garnison. On me dit que c'etoient des Allemands pour garder la place, tandis qu'on avoit si pres des Hongrois, et des Serviens.

On me repondit que les Serviens, etant sujets et tributaires du Turc, on se garderoit bien de la leur confier; et que quant aux Hongrois, ils le redoutoient tant que s'il paroissoit, ils n'oseroient la defendre contre lui, quelque forte qu'elle fut. Il falloit donc y appeler des etrangers; et cette mesure devenoit d'autant plus necessaire que c'etoit la seule place que l'empereur possedat pour pa.s.ser sur l'autre rive du Danube, ou pour le repa.s.ser en cas de besoin.

Ce discours m'etonna beaucoup; il me fit faire des reflexions sur l'etrange sujettion ou le Turc tient la Macedoine et la Bulgarie, l'empereur de Constantinople et les Grecs, le despote de Rascie et ses sujets. Cette dependance me parut chose lamentable pour la chretiente. Et comme j'ai vecu avec les Turcs, que je connois leur maniere de vivre et de combattre, que j'ai hante des gens notables qui les ont vus de pres dans leurs grandes entreprises, je me suis enhardi a ecrire, selon mes lumieres, quelque chose sur eux, et a montrer, sauf correction de la part de ceux qui sont plus instruits que moi, comment il est possible de reprendre les etats dont ils se sont empares, et de les battre sur un champ de bataille.

Et d'abord, pour commencer par leur personnel, je dirai que ce sont d'a.s.sez beaux hommes, portant tous de longues barbes, mais de moyenne taille et de force mediocre. Je sais bien que, dans le langage ordinaire, on dit fort comme un Turc; cependant j'ai vu une infinite de chretiens qui, dans les choses ou il faut de la force, l'emportoient sur eux; et moi-meme, qui ne suis pas des plus robustes, j'en ai trouve, lorsque les circonstances exigeoient quelque travail, de plus foibles que moi encore.

Ils sont gens diligens, se levent matin volontiers, et vivent de peu en compagne; se contentant de pain mal cuit, de chair crue sechee au soleil, de lait soit caille soit non caille, de miel, fromage, raisins, fruits, herbages, et meme d'une poignee de farine avec laquelle ils feront un brouet qui leur suffira pour un jour a six ou huit. Ont-ils un cheval ou un chameau malade sans espoir de guerison, ils lui coupent la gorge et le mangent. J'en ai ete temoin maintes fois. Pour dormir ils ne sont point embara.s.ses, et couchent par terre.

Leur habillement consiste en deux ou trois robes de coton l'une sur l'autre, et qui descendent jusqu'aux pieds. Par-dessus celles-la ils en portent, en guise de manteau, une autre de feutre qu'on nomme capinat. Le capinat, quoique leger, resiste a la pluie, et il y en a de tres-beaux et de tres-fins. Ils ont des bottes qui montent jusqu'aux genoux, et de grandes braies (calecons), qui pour les uns sont de velours cramoisi, pour d'autres de soie, de futaine, d'etoffes communes. En guerre ou en route, pour n'etre point embarra.s.ses de leurs robes, ils les relevent et les enferment dans leurs calecons; ce qui leur permet d'agir librement.

Leurs chevaux sont bons, coutent peu a nourir, courent bien et longtemps; mais ils les tiennent tres-maigres et ne les laissent manger que la nuit, encore ne leur donnent-ils alors que cinq ou six jointees d'orge et le double de paille picade (hachee): le tout mis dans une besace qu'ils leur pendent aux oreilles. Au point du jour, ils les brident, les nettoient, les etrillent; mais ils ne les font boire qu'a midi, puis l'apres-diner, toutes les fois qu'ils trouvent de l'eau, et le soir quand ils logent ou campent; car ils campent toujours de bonne heure, et pres d'une riviere, s'ils le peuvent. Dans cette derniere circonstance ils les laissent brides encore pendant une heure, comme les mules. Enfin vient un moment ou chacun fait manger le sien.

Pendant la nuit ils les couvrent de feutre ou d'autres etoffes, et j'ai vu de ces couvertures qui etoient tres-belles; ils en ont meme pour leurs levriers, [Footnote: Le mot levrier n'avoit pas alors l'acception exclusive qu'il a aujourd'hui; il se prenoit pour le chien de chase ordinaire.]

espece dont ils sont tres-curieux, et qui chez eux est belle et forte, quoiqu'elle ait de longues oreilles pendantes et de longues queues feuillees (touffues), que cependant elle porte bien.

Tous leurs chevaux sont Hongres: ils n'en gardent d'entiers que quelques-uns pour servir d'etalons, mais en si pet.i.t nombre que je n'en ai pas vu un seul. Du reste ils les sellent et brident a la jennette.

[Footnote: Les mors et les selles a la genette avoient ete adoptes en France, et jusqu'au dernier siecle ils furent d'usage dans nos maneges. On disoit monter a la genette quand les jambes etoient si courtes que l'eperon portoit vis-a-vis les flancs du cheval. Le mors a la genette etoit celui qui avoit sa gourmette d'une seule piece et de la forme d'un grand anneau, mis et arrete au haut de la liberte de la langue.] Leurs selles, ordinairement fort riches, sont tres-creuses. Elles n'ont qu'un arcon devant, un autre derriere, avec de courtes etrivieres et de larges etriers.

Quant a leurs habillemens de guerre, j'ai ete deux fois dans le cas de les voir, a l'occasion des Grecs renegats qui renoncoient a leur religion pour embra.s.ser le Mahometisme: alors les Turcs font une grande fete; ils prennent leurs plus belles armes et parcourent la ville en cavalcade aussi nombreuse qu'il leur est possible. Or dans ces circonstances, je les ai vus porter d'a.s.sez belles brigandines (cottes d'armes) pareilles aux notres, a l'exception que les ecailles en etoient plus pet.i.tes. Leur garde-bras (bra.s.sarts) etoient de meme. En un mot ils ressemblent a ces peintures ou l'on nous represente les temps de Jules Cesar. La brigandine descend presqu'a mi-cuisse; mais a son extremite est attachee circulairement une etoffe de soie qui vient jusqu'a mi-jambe.

Sur la tete ils portent un harnois blanc qui est rond comme elle, et qui, haut de plus d'un demi-pied, se termine en pointe. [Footnote: Harnois, dans la langue du temps, etoit un terme general qui signifioit a la fois habillement et armure; ici il designe une sorte de bonnet devenu arme defensive.] On le garnit de quatre clinques (lames), l'une devant, l'autre derriere, les deux autres sur les cotes, afin de garantir du coup d'epee la face, le cou et les joues. Elles sont pareilles a celles qu'ont en France nos salades. [Footnote: Salades, sorte de casque leger alors en usage, et qui, n'ayant ni visiere ni gorgerin, avoit besoin de cette bande de fer en saillie pour defendre le visage.]

Outre cette garniture de tete ils en ont a.s.sez communement une autre qu'ils mettent par-dessus leurs chapeaux ou leurs toques: c'est une coiffe de fil d'archal. Il y a de ces coiffes qui sont si riches et si belles qu'elles coutent jusqu'a quarante et cinquante ducats, tandis que d'autres n'en coutent qu'un ou deux. Quoique celles-ci soient moins fortes que les autres, elles peuvent resister au coup de taille d'une epee.

J'ai parle de leurs selles: ils y sont a.s.sis comme dans un fauteuil, bien enfonces, les genoux fort haut et les etriers courts; position dans laquelle ils ne pourroient pas supporter le moindre coup de lance sans etre jetes bas.

L'arme de ceux qui ont quelque fortune est un arc, un tarquais, une epee et une forte ma.s.se a manche court, dont le gros bout est taille a plusieurs carnes. Ce baton a du danger quand on l'a.s.sene sur des epaules ou des bras degarnis. Je suis meme convaincu qu'un coup bien appuye sur une tete armee de salade etourdiroit l'homme.

Plusieurs portent de pet.i.ts pavois (boucliers) en bois, et ils savent tres-bien s'en couvrir a cheval quand ils tirent de l'arc. C'est ce que m'ont a.s.sure gens qui les ont long-temps pratiques, et ce que j'ai vu par moi-meme.

Leur obeissance aux ordres de leur seigneur est sans bornes. Pas un seul n'oseroit les transgresser quand il s'agiroit de la vie, et c'est princ.i.p.alement a cette soumission constante qu'il doit les grandes choses qu'il a executees et ces vastes conquetes qui l'ont rendu maitre d'une etendue de pays beaucoup plus considerable que n'est la France.

On m'a certifie que quand les puissances chretiennes ont pris les armes contre eux, ils ont toujours ete avertis a temps. Dans ce cas, le seigneur fait epier leur marche par des hommes qui sont propres a cette fonction, et il va les attendre avec son armee a deux ou trois journees du lieu ou il se propose de les combattre. Croit-il l'occasion favorable, il fond sur eux tout-a-coup, et ils ont pour ces circonstances une sorte de marche qui leur est propre. Le signal est donne par un gros tambour. Alors ceux qui doivent etre en tete partent les premiers et sans bruit; les autres suivent de meme en silence, sans que la file soit jamais interrompue, parce que les chevaux et les hommes sont dresses a cet exercice. Dix mille Turcs, en pareil cas, font moins de tapage que ne feroient cent hommes d'armes chretiens. Dans leurs marches ordinaires, ils ne vont jamais qu'au pas; mais dans celles-ci ils emploient le galop, et comme d'ailleurs ils sont armes legerement, ils font du soir au matin autant de chemin qu'en trois de leurs journees communes; et voila pourquoi ils ne pourroient porter d'armures completes, ainsi que les Francais et les Italiens: aussi ne veulent-ils en chevaux que ceux qui ont un grand pas ou qui galopent long-temps, tandis que nous il nous les faut trottant bien et aises.

C'est par ces marches forcees qu'ils ont reussi, dans leurs differentes guerres, a surprendre les chretiens et a les battre si completement; c'est ainsi qu'ils ont vaincu le duc Jean, a qui Dieu veuille pardonner, [Footnote: Jean, comte de Nevers, surnomme Sans-peur et fils de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. Sigismond ayant forme une ligue pour arreter les conquetes de Bajazet, notre roi Charles VI lui envoya un corps de troupes dans lequel il y avoit deux mille gentilshommes, et qui etoit conduit par le comte Jean. L'armee chretienne fut defaite a Nicopolis en 1396, et nos Francais tues ou faits prisonniers. On sait qu'avant la bataille, pour se debarra.s.ser de captifs Turcs qu'ils avoient recus a rancon, ils eurent l'indignite de les egorger, et qu'apres la victoire le sultan n'ayant accorde la vie qu'aux princ.i.p.aux d'entre eux, il fit par represailles ma.s.sacrer devant eux leurs camarades. Jean, devenu duc de Bourgogne, fit lachement a.s.sa.s.siner dans Paris le duc d'Orleans, frere du roi. Il fut tue a son tour par Tannegui du Chatel, ancien officier du duc. On voit par ces faits que la Brocquiere avoit grande raison, en parlant de Jean, de demander que Dieu lui pardonnat.] et l'empereur Sigismond, et tout recemment encore cet empereur devant Coulumbach, ou perit messire Advis, chevalier de Poulaine (Pologne).

Leur maniere de combattre varie selon les circonstances. Voient-ils un lieu et une occasion favorables pour attaquer, ils se divisent en plusieurs pelotons, selon la force de leur troupe, et viennent ainsi a.s.sailir par differens cotes. Ce moyen est surtout celui qu'ils emploient en pays de bois et de montagnes, parce qu'ils ont l'art de se reunir sans peine.

D'autres fois ils se mettent en embuscade et envoient a la decouverte quelques gens bien montes. Si le rapport est que l'ennemi n'est point sur ses gardes, ils savent prendre leur parti sur-le-champ et tirer avantage des circonstances. Le trouvent-ils en bonne ordonnance, ils voltigent autour de l'armee a la portee du trait, caracollent ainsi en tirant sans cesse aux hommes et aux chevaux, et le font si long-temps qu'enfin ils la mettent en desordre. Si l'on veut les poursuivre et les cha.s.ser, il fuient, et se dispersent chacun de leur cote, quand meme on ne leur opposeroit que le quart de ce qu'ils sont; mais c'est dans leur fuite qu'ils sont redoutables, et c'est presque toujours ainsi qu'ils ont deconfi les chretiens. Tout en fuyant ils ont l'art de tirer de l'arc si adroitement qu'ils ne manquent jamais d'atteindre le cavalier ou le cheval.

D'ailleurs chacun d'eux porte attache a l'arcon de sa selle un tabolcan. Si le chef ou quelqu'un des officiers s'apercoit que l'ennemi qui poursuit est en desordre, il frappe trois coups sur son instrument; chacun de son cote et de loin en loin en fait autant: en un instant tous se ra.s.semblent autour du chef, "comme pourceaux au cry l'un de l'autre," et, selon les circonstances, ils recoivent en bon ordre les a.s.saillans ou fondent sur eux par pelotons, on les attaquant de toutes parts.

Dans les batailles rangees ils emploient quelquefois une autre sorte de stratageme, qui consiste a jeter des feux a travers les chevaux de la cavalerie pour les epouvanter; souvent encore ils mettent en tete de leur ligne un grand nombre de chameaux ou de dromadaires forts et hardis; ils les cha.s.sent en avant sur les chevaux, et y jettent le desordre.

Telles sont les manieres de combattre que les Turcs ont jusqu'a present mises en usage vis-a-vis des chretiens. a.s.surement je ne veux point en dire du mal ni les deprecier; j'avouerai au contraire que, dans le commerce de la vie, je les ai trouves francs et loyaux, et que dans les occasions ou il falloit du courage ils se sont bien montres: mais cependant je n'en suis pas moins convaincu que, pour des troupes bien montees et bien commandees, ce seroit chose peu difficile de les battre; et quant a moi je declare qu'avec moitie moins de monde qu'eux je n'hesiterois pas a les attaquer.

Leurs armees, je le sais, sont ordinairement de cent a deux cent mille hommes; mais la plupart sont a pied, et la plupart manquent, comme je l'ai dit, de tarquais, de coiffe, de ma.s.se ou d'epee; fort peu ont une armure complete.

D'ailleurs ils ont parmi eux un tres-grand nombre de chretiens qui servent forcement: Grecs, Bulgares, Macedoniens, Albanois, Esclavons, Valaques, Rasciens et autres sujets du despote de Rascie. Tous ces gens-la detestent le Turc, parce qu'il les tient dans une dure servitude; et s'ils voyoient marcher en forces contre lui les chretiens, et sur-tout les Francais, je ne doute nullement qu'ils ne lui tourna.s.sent le dos et ne le greva.s.sent beaucoup.

Les Turcs ne sont donc ni aussi terribles, ni aussi formidables que je l'ai entendu dire. J'avoue pourtant qu'il faudroit contre eux un general bien obei, et qui voulut specialement prendre et suivre les avis de ceux qui connoissent leur maniere de faire la guerre. C'est la faute que fit a Coulumbach, m'a-t-on-dit, l'empereur Sigismond lorsqu'il fut battu par eux.

S'il avoit voulu ecouter les conseils qu'on lui donna, il n'eut point ete oblige de lever honteus.e.m.e.nt le siege, puisqu'il y avoit vingt-cinq a trente mille Hongrois. Ne vit-on pas deux cents arbaletriers Lombards et Genois arreter seuls l'effort des ennemis, les contenir, et favoriser sa retraite pendant qu'il s'embarquoit dans les galeres qu'il avoit sur le Danube; tandis que six mille Valaques, qui, avec le chevalier Polonois dont j'ai parle ci-dessus, s'etoient mis a l'ecart sur une pet.i.te hauteur, furent tous tailles en pieces?

Je ne dis rien sur tout ceci que je n'aie vu ou entendu. Ainsi donc, dans le cas ou quelque prince ou general chretien voudroit entreprendre la conquete de la Grece ou meme penetrer plus avant, je crois que je puis lui donner des renseignemens utiles. Au reste je vais parler selon mes facultes; et s'il m'echappoit chose qui deplut a quelqu'un, je prie qu'on m'excuse et qu'on la regarde comme nulle.

Le souverain qui formeroit un pareil projet devroit d'abord se proposer pour but, non la gloire et la renommee, mais Dieu, la religion, et le salut de tant d'ames qui sont dans la voie de perdition. Il faudroit qu'il fut bien a.s.sure d'avance du paiement de ses troupes, et qu'il n'eut que des corps bien fames, de bonne volonte, et sur-tout point pillards. Quant aux moyens de solde, ce seroit, je crois, a notre saint-pere le pape qu'il conviendroit de les a.s.surer; mais jusqu'au moment ou l'on entreroit sur les terres des Turcs on devroit se fair une loi de ne rien prendre sans payer.

Personne n'aime a se voir derober ce qui lui appartient, et j'ai entendu dire que ceux qui l'ont fait s'en sont souvent mal trouves. Au reste je m'en rapporte sur tous ces details aux princes et a messeigneurs de leur conseil; moi je ne m'arrete qu'a l'espece de troupes qui me paroit la plus propre a l'enterprise, et avec laquelle je desirerois etre, si j'avois a choisir.

Je voudrois donc, 1. de France, gens d'armes, gens de trait, archers et arbaletriers, en aussi grand nombre qu'il seroit possible, et composes comme je l'ai dit ci dessus; 2. d'Angleterre, mille hommes d'Armes et dix mille archers; 3. d'Allemagne, le plus qu'on pourroit de gentilshommes et de leurs crennequiniers a pied et a cheval. [Footnote: Cranquiniers, c'etoit le nom qu'en Autriche et dans une partie de l'Allemagne on donnoit aux archers.] a.s.semblez en gens de trait, archers et crennequiniers quinze a vingt mille hommes de ces trois nations, bien unis; joignez-y deux a trois cents ribaudequins, [Footnote: Ribaudequins, sortes de troupes legeres qui servoient aux escarmouches et representoient nos tirailleurs d'aujourd'hui.] et je demanderai a Dieu la grace de marcher avec eux et je reponds bien qu'on pourra les mener sans peine de Belgrade a Constantinople.

Il leur suffiroit, ainsi que je l'ai remarque, d'une armure legere, attendu que le trait Turc n'a point de force. De pres, leurs archers tirent juste et vite; mais ils ne tirent point a beaucoup pres aussi loin que les notres. Leurs arcs sont gros, mais courts, et leurs traits courts et minces. Le fer y est enfonce dans le bois, et ne peut ni supporter un grand coup, ni faire plaie que quand il trouve une partie decouverte. D'apres ceci, on voit qu'il suffiroit a nos troupes d'avoir une armure legere, c'est-a-dire un leger harnois de jambes, [Footnote: Harnois de jambes, sorte d'armure defensive en fer qui emboitoit la jambe, et qu'on nommoit jambards ou greves.] une legere brigandine ou blanc-harnois, et une salade avec baviere et visiere un peu large. [Footnote: J'ai deja dit que la salade etoit un casque beaucoup moins lourd que le heaume. Il y en avoit qui laissoient le visage totalement decouvert; d'autres qui, pour le garantir, portoient en avant une lame de fer; d'autres qui, comme le heaume, le couvroient en entier, haut et bas: ce qu'on appeloit visiere et baviere.] Le trait d'un arc Turc pourrait fausser un haubergon; [Footnote: Haubergeon, cotte de mailles plus legere que le haubert. Etant en mailles, elle pouvoit etre faussee plus ais.e.m.e.nt que la brigandine, qui etoit de fer plein ou en ecailles de fer.] mais il semoussera contre une brigandine ou blanc-harnois.

J'ajouterai qu'en cas de besoin nos archers pourroient se servir des traits des Turcs, et que les leurs ne pourroient se servir des notres, parce que la coche n'est pas a.s.sez large, et que les cordes de leurs arcs etant de nerfs, sont beaucoup trop grosses.

Selon moi, ceux de nos gens d'armes qui voudroient etre a cheval devroient avoir une lance legere a fer tranchant, avec une forte epee bien affilee.

Peut-etre aussi leur seroit-il avantageux d'avoir une pet.i.te hache a main.

Ceux d'entre eux qui seroient a pied porteroient guisarme, [Footnote: Guisarme, hache a deux tetes.] ou bon epieu tranchant [Footnote: Epieu, lance beaucoup plus forte que la lance ordinaire.]; mais les uns et les autres auroient les mains armees de gantelets. Quant a ces gantelets, j'avoue que pour moi j'en connois en Allemagne qui sont de cuir bouilli, dont je ferais autant de cas que de ceux qui sont en fer.

Lorsqu'on trouvera une plaine rase et un lieu pour combattre avec avantage on en profitera; mais alors on ne fera qu'un seul corps de bataille.

L'avant garde et l'arriere-garde seront employees a former les deux ailes.

On entremelera par-ci par-la tout ce qu'on aura de gens d'armes, a moins qu'on ne preferat de les placer en dehors pour escarmoucher; mais on se gardera bien de placer ainsi les hommes d'armes. En avant de l'armee et sur ses ailes seront epars et semes ca et la les ribaudequins; mais il sera defendu a qui que ce soit, sous peine de la vie, de poursuivre les fuyards.

Les Turcs ont la politique d'avoir toujours des armees deux fois plus nombreuses que celles des chretiens. Cette superiorite de nombre augmente leur courage, et elle leur permet en meme temps de former differens corps pour attaquer par divers cotes a la fois. S'ils parviennent a percer, ils se precipitent en foule innombrable par l'ouverture, et alors c'est un grand miracle si tout n'est pas perdu.

Pour empecher ce malheur on placera la plus grande quant.i.te de ribaudequins vers les angles du corps de bataille, et l'on tachera de se tenir serre de maniere a ne point se laisser entamer. Au reste, cette ordonnance me paroit d'autant plus facile a garder qu'ils ne sont point a.s.sez bien armes pour former une colonne capable par son poids d'une forte impulsion. Leurs lances ne valent rien. Ce qu'ils ont de mieux ce sont leurs archers, et ces archers ne tirent ni aussi loin ni aussi fort que les notres.

Ils ont aussi une cavalerie beaucoup plus nombreuse; et leurs chevaux, quoique inferieurs en force aux notres, quoique moins capables de porter de lourds fardeaux, courent mieux, escarmouchent plus long-temps et ont plus d'haleine. C'est une raison de plus pour se tenir toujours bien serre, toujours bien en ordre.

Si l'on suit constamment cette methode ils seront forces, ou de combattre avec desavantage, et par consequent de tout risquer, ou de faire retraite devant l'armee. Dans le cas ou ils prendroient ce dernier parti, on mettra de la cavalerie a leurs trousses; mais il faudra qu'elle ne marche jamais qu'en bonne ordonnance, et toujours prete a combattre et a les bien recevoir s'ils reviennent sur leurs pas. Avec cette conduite il n'est point douteux qu'on ne les batte toujours. En suivant le contraire, ce seront eux qui nous battront, comme il est toujours arrive.

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The Principal Navigations, Voyages, Traffiques and Discoveries of the English Nation Volume X Part 17 summary

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