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The Principal Navigations, Voyages, Traffiques and Discoveries of the English Nation Volume X Part 15

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Caumissin, qu'on trouve ensuite apres avoir traverse une montagne, a de bons murs, qui la rendent a.s.sez forte, quoique pet.i.te. Elle est sur un ruisseau, en beau et plat pays, ferme par d'autres montagnes a l'occident, et ce pays s'etend, dans un es.p.a.ce de cinq a six journees, jusqu'a Lessere.

Missy fut egalement et forte et bien close: mais une partie de ses murs sont abattus; tout y a ete detruit, et elle n'a point d'habitans.

Peritoq, ville ancienne et autrefois considerable, est sur un golfe qui s'avance dans les terres d'environ quarante milles, et qui part de Monte-Santo, ou sont tant de caloyers. Elle a des Grecs pour habitans, et pour defense de bonnes murailles, qui cependant sont entamees par de grandes breches. De la, pour aller a Lessere, le chemin est une grande plaine. C'est pres de Lessere, dit-on, que se livra la grande bataille de Thessale (de Pharsale).

Je n'allai point jusqu'a cette derniere ville. Instruits que le Turc etoit en route, nous l'attendimes a Yamgbatsar, village construit par ses sujets.

Il n'arriva que le troisieme jour. Son escorte, quand il marchoit, etoit de quatre a cinq cents chevaux; mais comme il aimoit pa.s.sionnement la cha.s.se au vol, la plus grande partie de cette troupe etoit composee de fauconniers et d'ostriciers (autoursiers), gens dont il faisoit un grand cas, et dont il entretenoit, me dit-on, plus de deux mille. Avec ce gout il ne faisoit que de pet.i.tes journees, et ses marches n'etoient pour lui qu'un objet d'amus.e.m.e.nt et de plaisir.

Il entra dans Yamgbatsar avec de la pluie, n'ayant pour cortege qu'une cinquantaine de cavaliers avec douze archers, ses esclaves, qui marchoient a pied devant lui. Son habillement etoit une robe de velours cramoisi, fourree de martre zibeline, et sur la tete il portoit, comme les Turcs, un chapeau rouge; mais, pour se garantir de la pluie, par-dessus sa robe il en avoit mis une autre de velours, en guise de manteau, selon la mode du pays.

Il campa sous un pavillon qu'on avoit apporte; car nulle part on ne trouve a loger, nulle part on ne trouve de vivres que dans les grandes villes, et, en voyage, chacun est oblige de porter tout ce qui lui est necessaire. Pour lui, il avoit un grand train de chameaux et d'autres betes de somme.

L'apres-dinee il sort.i.t pour aller prendre un bain, et je le vis a mon aise. Il etoit a cheval, avec son meme chapeau et sa robe cramoisie, accompagne de six personnes a pied; je l'entendis meme parler a ses gens, et il me parut avoir la parole lourde. C'est un prince de vingt-huit a trente ans, qui deja devient tres-gras.

L'amba.s.sadeur lui fit demander par un des siens s'il pourroit avoir de lui une audience et lui offrir les presens qu'il apportoit. Il fit reponse qu'allant a ses plaisirs il ne vouloit point entedre parler d'affaires; que d'ailleurs ses bayschas (bachas) etoient absens, et que l'amba.s.sadeur n'avoit qu'a les attendre ou aller l'attendre lui-meme dans Andrinople.

Messire Benedict prit ce dernier parti. En consequence nous retournames a Caumissin, et de la, apres avoir repa.s.se la montagne dont j'ai parle, nous vinmes gagner un pa.s.sage forme par deux hautes roches entre lesquelles coule une riviere. Pour le garder on avoit construit sur l'une des roches un fort chateau nomme Coulony, qui maintenant est detruit presque en entier. La montagne est en partie couverte de bois, et habite par des hommes mechans et a.s.sa.s.sins.

J'arrivai ainsi a Trajanopoly, ville batie par un empereur nomme Trajan, lequel fit beaucoup de choses dignes de memoire. Il etoit fits de celui qui fonda Andrenopoly. Les Sarrasins disent qu'il avoit une oreille de mouton.

[Footnote: Trajanopoly ne fut point nommee ainsi pour avoir ete construite, par Trajan, mais parce qu'il y mourut. Elle existoit avant lui, et se nommoit Selinunte.

Adrien ne fut pas le pere de Trajan, mais au contraire son fils adoptif, et c'est par-la qu'il devint son successeur.

Andrinople n'a pas plus ete fondee par Adrien que Trajanopoly par Trajan.

Un tremblement de terre l'avoit ruinee; il la fit rebatir et lui donna son nom. On doit excuser ces erreurs dans un auteur du quinzieme siecle. Quant a l'oreille de mouton, il en parle comme d'une fable de Sarrasins.]

Sa ville, qui etoit tres-grande, est dans le voisinage de la mer et de la Marisce. On n'y voit plus que des ruines, avec quelques habitans. Elle a une montagne au levant et la mer au midi. L'un des ses bains porte le nom d'eau sainte.

Plus loin est Vyra, ancien chateau qu'on a demoli en plusieurs endroits. Un Grec m'a dit que l'eglise avoit trois cents chanoines. Le choeur en subsiste encore, et les Turcs en ont fait une mosquee. Ils ont aussi construit autour du chateau une grande ville, peuplee maintenant par eux et par des Grecs. Elle est sur une montagne pres de la Marisce.

Au sortir de Vyra nous recontrames le seigneur (gouverneur) de la Grece, qui, mande par le Turc, se rendoit appres de lui avec une troupe de cent vingt chevaux. C'est un bel homme, natif de Bulgarie, et qui a ete esclave de son maitre; mais comme il a le talent de bien boire, le dit maitre lui a donne le gouvernement de Grece, avec cinquante mille ducats de revenu.

Dymodique, ou je revins, me parut plus belle et plus grande encore qu'a mon premier pa.s.sage; et s'il est vrai que le Turc y a depose son tresor, a.s.surement il a raison.

Nous fumes obliges de l'attendre onze jours dans Adrinople. Enfin il arriva le premier de careme. Le grand calife (le muphti), qui est chez eux ce qu'est le pape chez nous, alla au-devant de lui avec tous les notables de la ville: ce qui formoit une troupe tres-nombreuse. Il en etoit deja a.s.sez pres lorsqu'ils le rencontrerent, et neanmoins il s'arreta pour boire et manger, envoya en avant une partie de ces gens, et n'y entra qu'a la nuit.

J'ai eu occasion de me lier, pendant mon sejour a Andrinople, avec plusieurs personnes qui avoient vecu a sa cour, et qui, a portee de le bien connoitre, m'ont donne sur lui quelques details; et d'abord, moi qui l'ai vu plusieurs fois, je dirai que c'est un pet.i.t homme, gros et trapu, a physionomie Tartare, visage large et brun, joues elevees, barbe ronde, nez grand et courbe, pet.i.ts yeux; mais il est, m'a-t-on dit, doux, bon, liberal, distribuant volontiers seigneuries et argent.

Ses revenus sont de deux millions et demi de ducats, y compris vingt-cinq mille qu'il percoit en tributs. [Footnote: Il y a ici erreur de copiste sur ces vingt-cinq mille ducats de tributs; la somme est trop foible. On verra plus bas que le despote de Servie en payoit annuellement cinquante mille a lui seul.] D'ailleurs, quand il leve une armee, non seulement elle ne lui coute rien; mais il y gagne encore, parce que les troupes qu'on lui amene de Turquie en Grece [Footnote: J'ai deja remarque que l'auteur appelle Turquie les etats que possedoient en Asie les Turcs, et qu'il designe sous le nom de Grece ceux qu'ils avoient en-deca du detroit, et que nous nommons aujourd'hui Turquie d'Europe.] paient a Gallipoly le comarch, qui est de trois aspres par homme et de cinq par cheval. Il en est de meme au pa.s.sage de la Dunoe (du Danube). D'ailleurs, quand ses soldats vont en course et qu'ils font des esclaves, il a le droit d'en prendre un sur cinq, a son choix.

Cependant il pa.s.se pour ne point aimer la guerre, et cette inculpation me paroit a.s.sez fondee. En effet il a jusqu'a present eprouve de la part de la chretiente si peu de resistance que s'il vouloit employer contre elle la puissance et les revenus dont il jouit, ce lui seroit chose facile d'en conquerir une tres grande partie. [Footnote: Le Sultan dont la Brocquiere fait ici mention, et qu'il a designe ci-devant sous le non d'Amourat-Bay, est Amurat II, l'un des princes Ottomans les plus celebres. L'histoire cite de lui plusieurs conquetes qui a la verite sont la plupart posterieures au temps dont parle ici la relation. S'il n'en a point fait davantage, c'est qu'il eut en tete Huniade et Scanderberg. D'ailleurs sa gloire fut eclipsee par celle de son fils, le fameux Mahomet II, la terreur des chretiens, surnomme le grand par sa nation, et qui, vingt ans apres, en 1453, prit Constantinople, et detruisit le peau qui subsistoit encore de l'empire Grec.]

Un de ses gouts favoris est la cha.s.se aux chiens et aux oiseaux. Il a, dit-on, plus de mille chiens et plus de deux mille oiseaux dresses, et de diverses especes; j'en ai vu moi-meme une tres-grande partie.

Il aime beaucoup a boire, et aime ceux qui boivent bien. Pour lui, il va sans peine jusqu'a dix ou douze grondils de vin: ce qui fait six ou sept quartes. [Footnote: La quarte s'appeloit ainsi, parce qu'elle etoit le quart du chenet, qui contenoit quatre pots et une pinte. Le pot etoit de deux pintes, et par consequent la quarte faisoit deux bouteilles, plus un demi-setier; et douze grondils, vingt-trois bouteilles.] C'est quand il a bien bu qu'il devient liberal et qu'il distribue ses grands dons: aussi ses gens sont-ils tres-aises de le voir demander du vin. L'annee derniere il y eut un Maure qui s'avisa de venir le precher sur cet objet, et qui lui representa que cette liqueur etant defendue par le prophete, ceux qui en buvoient n'etoient pas de bons Sarrasins: pour toute reponse il le fit mettre en prison, puis cha.s.ser de ses etats, avec defense d'y jamais remettre les pieds.

Au gout pour les femmes il joint celui des jeunes garcons. Il a trois cents des premieres et une trentaine des autres; mais il se plait devantage avec ceux-ci. Quand ils sont grands il les recompense par de riches dons et des seigneuries: il y en a un auquel il a donne en mariage l'une de ses soeurs, avec vingt-cinq mille ducats de revenu.

Certains personnes font monter son tresor a un demi-million de ducats, d'autres a un million. Il en a en outre un second, qui consiste en esclaves, en vaisselle, et princ.i.p.alement en joyaux pour ses femmes. Ce dernier article est estime seul un million d'or. Moi, je suis convaincu que s'il tenoit sa main fermee pendant un an, et qu'il s'abstint de donner ainsi a l'aveugle, il epargneroit un million de ducats sans faire tort a personne.

De temps en temps il fait de grands exemples de justice bien remarquables; ce qui lui procure d'etre parfaitement obei tant dans son interieur qu'au-dehors. D'ailleurs il sait maintenir son pays dans un excellent etat de defense, et il n'emploie vis-a-vis de ses sujets Turcs ni taille ni aucun genre d'extorsion. [Footnote: Ceci est une satire indirecte des gouvernemens d'Europe, ou chaque jour les rois, et meme les seigneurs particuliers, vexoient ce qu'ils appeloient leurs hommes ou leurs sujets par des tailles arbitraires et des milliers d'impots dont les noms etoient aussi bizarres que l'a.s.siette et la perception en etoient abusives.]

Sa maison est composee de cinq mille personnes tant a pied qu'a cheval; mais a l'armee il n'augmente en rien leurs gages: de sorte qu'en guerre il ne depense pas plus qu'en paix.

Ses princ.i.p.aux officiers sont trois baschas ou visiers-bachas (visirs-bachas.) Le visir est un conseiller; le bacha, une sorte de chef ou ordonnateur. Ces trois personnages sont charges de tout ce qui concerne sa personne ou sa maison, et on ne peut lui parler que par leur entremise.

Quand il est en Grece, c'est le seigneur de Grece (le gouverneur) qui a l'inspection sur les gens de guerre; quand il est en Turquie, c'est le seigneur de Turquie.

Il a donne de grandes seigneuries; mais il peut les retirer a son gre.

D'ailleurs ceux auxquels il les accorde sont tenus de le servir en guerre avec un certain nombre de troupes a leurs frais. C'est ainsi que, tous les ans, ceux de Grece lui fournissent trente mille hommes qu'il peut employer et conduire par-tout ou bon lui semble; et ceux de Turquie dix mille, auxquels il n'a que des vivres a fournir. Veut-il former une armee plus considerable, la Grece seule, m'a-t-on dit, peut alors lui donner cent vingt mille hommes; mais ceux-ci, il est oblige de les soudoyer. La paie est de cinq aspers pour un fanta.s.sin, de huit pour un cavalier.

Cependant j'ai entendu dire que sur ces cent vingt mille hommes il n'y en avoit que la moitie, c'est-a-dire les gens de cheval, qui fussent en bon etat, bien armes de tarquais et d'epee; le reste est compose de gens de pied mal equippes. Celui d'entre eux qui a une epee n'a point d'arc, celui qui a un arc n'a ni epee ni arme quelconque, beaucoup meme n'ont qu'un baton. Et il en est ainsi des pietons que fournit la Turquie: la moitie n'est armee que de batons; cependant ces pietons Turcs sont plus estimes que les Grecs, et meilleurs soldats.

D'autres personnes dont je regarde le temoignage comme veritable m'ont dit depuis que les troupes qu'annuellement la Turquie est obligee de fournir quand le seigneur veut former son armee, montent a trente mille hommes, et celles de Grece a vingt mille, sans compter deux ou trois mille esclaves qui sont a lui, et qu'il arme bien.

Parmi ces esclaves il y a beaucoup de chretiens. Il y en a aussi beaucoup dans les troupes Grecques: les uns Albaniens, les autres Bulgares ou d'autres contrees. C'est ainsi que dans la derniere armee de Grece il se trouva trois mille chevaux de Servie, que le despote de cette province envoya sous le commandement d'un de ses fils. C'est bien a regret que tous ces gens-la viennent le servir; mais ils n'oseroient refuser.

Les bachas arriverent a Andrinople trois jours apres leur seigneur, et ils y amenoient avec eux une partie de ses gens et de son bagage. Ce bagage consiste en une centaine de chameaux et deux cent cinquante, tant mulets que sommiers, parce que la nation ne fait point usage de chariots.

Messire Benedict, qui desiroit avoir de lui une audience, fit demander aux bachas s'il pouvoit les-voir, et ils repondirent que non. La raison de ce refus etoit qu'ils avoient bu avec leur seigneur, et qu'ils etoient ivres ainsi que lui. Cependant ils envoyerent le lendemain chez l'amba.s.sadeur pour le prevenir qu'ils etoient visibles, et il se rendit aussitot chez chacun d'eux avec des presens: telle est la coutume; on ne peut leur parler sans apporter quelque chose, et il en est de meme pour les esclaves qui gardent leurs portes. Je l'accompagnai dans cette visite.

Le jour suivant, dans l'apres-dinee, ils lui firent dire qu'il pouvoit venir au palais. Il monta aussitot a cheval pour s'y rendre avec sa suite, et je me joignis a elle: mais nous etions tous a pied; lui seul avoit un cheval.

Devant la cour nous trouvames une grande quant.i.te d'hommes et de chevaux.

La porte etoit gardee par une trentaine d'esclaves sous le gouvernement d'un chef, et armes de batons. Si quelqu'un se presente pour entrer sans permission, ils lui disent de se retirer; s'il insiste, ils le cha.s.sent a coups de baton.

Ce que nous appelons la cour du roi, les Turcs l'appellent porte du seigneur. Toutes les fois que le seigneur recoit un message ou amba.s.sade, ce qui lui arrive presque tous les jours, il fait porte. Faire porte est pour lui ce qu'est pour nos rois de France tenir etat royal et cour ouverte, quoique cependant il y ait entre les deux ceremonies beaucoup de difference, comme je le dirai tout-a-l'heure.

Quand l'amba.s.sadeur fut entre on le fit a.s.seoir pres de la porte avec beaucoup d'autres personnes qui attendoient que le maitre sort.i.t de sa chambre pour faire porte. D'abord les trois bachas entrerent avec le gouverneur de Grece et autres qu'ils appellent seigneurs. Sa chambre donnoit sur une tres-grande cour. Le gouverneur alla l'y attendre. Il parut.

Son vetement etoit, selon l'usage, une robe de satin cramoisi, par-dessus laquelle il en avoit, comme manteau, une autre de satin vert a figures, fourree de martre zibeline. Ses jeunes garcons l'accompagnoient; mais ils ne le suivirent que jusqu'a l'entree de la piece, et rentrerent. Il ne resta pres de lui qu'un pet.i.t nain et deux jeunes gens qui faisoient les fous. [Footnote: L'usage l'avoir des nains et des fous etoit tres ancien dans les cours d'Orient. Il avoit pa.s.se avec les croisades dans celles des princes chretiens d'Europe, et dura en France, pour les fous, jusqu'a Louis XIV.]

Il traversa l'angle de la cour, et vint dans une galerie ou l'on avoit prepare un siege pour lui. C'etoit une sorte de couche couverte en velours (un sopha), ou il avoit quatre ou cinq degres a monter. Il alla s'y a.s.seoir a la maniere Turque, comme nos tailleurs quand ils travaillent, et aussitot les trois bachas vinrent prendre place a peu de distance de lui. Les autres officiers qui dans ces jours-la font partie de son cortege entrerent egalement dans la galerie, et ils allerent se ranger le long des murs, aussi loin de lui qu'ils le purent. En dehors, mais en face, etoient a.s.sis vingt gentilshommes Valaques, detenus a sa suite comme otages du pays. Dans l'interieur de la salle on avoit place une centaine de grands plats d'etain, qui chacun contenoient une piece de mouton et du riz.

Quand tout le monde fut place on fit entrer un seigneur du royaume de Bossene (Bosnie), lequel pretendoit que la couronne de ce pays lui apparteroit: en consequence il etoit venu en faire hommage au Turc et lui demander du secours contre le roi. On le mena prendre place aupres des bachas; on introduisit ses gens, et l'on fit venir l'amba.s.sadeur du duc de Milan.

Il part.i.t suivi de ses presens, qu'on alla placer pres des plats d'etain.

La, des gens preposes pour les recevoir, les purent et les leverent au-dessus de leurs tetes aussi haut qu'ils le purent, afin que le seigneur et sa cour p.u.s.s.ent les voir. Pendant ce temps, messire Benedict avancoit lentement vers la galerie. Un homme de distinction vint au-devant de lui pour l'y introduire. En entrant il fit une reverence sans oter l'aumusse qu'il avoit sur la tete; arrive pres des degres, il en fit une autre tres-profonde.

Alors le seigneur se leva: il descendit deux marches pour s'approcher de l'amba.s.sadeur et le prit par la main. Celui-ci voulut lui baiser la sienne; mais il s'y refusa, et demanda par la voie d'un interprete Juif qui savoit le Turc et l'Italien, comment se portoit son bon frere et voisin le duc de Milan. L'amba.s.sadeur repondit a cette question; apres quoi on le mena prendre place pres du Bosnien, mais a reculons, selon l'usage, et toujours le visage tourne vers le prince.

Le seigneur attendit, pour se ra.s.seoir, qu'il fut a.s.sis. Alors les diverses personnes de service qui etoient dans la salle se mirent par terre, et l'introducteur qui l'avoit fait entrer alla nous chercher, nous autres qui formions sa suite, et il nous placa pres des Bosniens.

Pendant ce temps on attachoit au seigneur une serviette en soie; on placoit devant lui une piece de cuir rouge, ronde et mince, parce que leur coutume est de ne manger que sur des nappes de cuir; puis on lui apporta de la viande cuite, sur deux plats dores. Lorsqu'il fut servi, les gens de service allerent prendre les plats d'etain dont j'ai parle, et ils les distribuerent par la salle aux personnes qui s'y trouvoient: un plat pour quatre. Il y avoit dans chacun un morceau de mouton et du riz clair, mais point de pain et rien a boire. Cependant j'apercus dans un coin de la cour un haut buffet a gradins qui portoit un peu de vaisselle, et au pied duquel etoit un grand vase d'argent en forme de calice. Je vis plusieurs gens y boire; mais j'ignore si c'etoit de l'eau ou du vin.

Quant a la viande des plats, quelques-uns y gouterent; d'autres, non: mais, avant qu'ils fussent tous servis, il fallut desservir, parce que le maitre n'avoit point voulu manger. Jamais il ne prend rien en public, et il y a tres-peu de personnes qui puissent se vanter de l'avoir entendu parler, ou vu manger ou boire.

Il sort.i.t, et alors se firent entendre des menestrels (musiciens) qui etoient dans la cour, pres du buffet. Ils toucherent des instrumens et chanterent des chansons de gestes, dans lesquelles ils celebroient les grandes actions des guerriers Turcs. A mesure que ceux de la galerie entendoient quelque chose qui leur plaisoit, ils poussoient a leur maniere des cris epouvantables. J'ignorois quels etoient les instrumens dont on jouoit: j'allai dans la cour, et je vis qu'ils etoient a cordes et fort grands, Les menestrels vinrent dans la salle, ou ils mangerent ce qui s'y trouvoit. Enfin on desservit: chacun se leva, et l'amba.s.sadeur se retira sans avoir dit un mot de son amba.s.sade: ce qui, pour la premiere audience, est de coutume.

Une autre coutume encore est que quand un amba.s.sadeur a ete presente au seigneur, celui-ci, jusqu'a ce qu'il ait fait sa reponse, lui envoie de quoi fournir a sa depense; et cette somme est de deux cents aspers. Le lendemain donc un des gens du tresorier, celui-la meme qui etoit venu prendre messire Benedict pour le conduire a la cour, vint lui apporter la somme: mais peu apres les esclaves qui gardent la porte vinrent chercher ce qu'en pareil cas il est d'usage de leur donner, et au reste ils se contentent de peu.

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The Principal Navigations, Voyages, Traffiques and Discoveries of the English Nation Volume X Part 15 summary

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