The Principal Navigations, Voyages, Traffiques and Discoveries of the English Nation - novelonlinefull.com
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D'ailleurs, au temps de Mandeville, c'etoit la langue Francaise qu'on parloit en Angleterre. Cette langue y avoit ete portee par Guillaume-le-Conquerant. On ne pouvoit enseigner qu'elle dans les ecoles.
Toutes les sentences des Tribunaux, tous les actes civils devoient etre en Francais; et quand Mandeville ecrivoit en Francais, il ecrivoit dans sa langue. S'il se fut servi de la Latine, c'eut ete pour etre lu chez les nations qui ne connoissoient pas la notre.
A la verite, son Francais se ressent du sol. Il a beaucoup d'anglicismes et de locutions vicieuses; et la raison n'en est pas difficile a deviner. On sait que plus un ruisseau s'eloigne de sa source, et plus ses eaux doivent s'alterer. Mais c'est la, selon moi, le moindre defaut de l'auteur. Sans gout, sans jugement, sans critique, non seulement il admet indistinctement tous les contes et toutes les fables qu'il entend dire; mais il en forge lui-meme a chaque instant.
A l'entendre il s'embarqua l'an 1332, jour de Saint-Michel; il voyagea pendant trente-cinq ans, et parcourut une grande partie de l'Asie et de l'Afrique. Eh bien, ayez comme moi le courage de le lire; et si vous lui accordez d'avoir vu peut-etre Constantinople, la Palestine et l'Egypte (ce que moi je me garderois bien de garantir), a coup sur au moin vous resterez convaincu que jamais i, ne mit le pied dans tous ces pays dont il parle a l'aveugle; Arabie, Tartarie, Inde, Ethiopie, etc. etc.
Au moins, si les fictions qu'il imagine offroient ou quelque agrement ou quelque interet! s'il ne faisoit qu'user du droit de mentir, dont se sont mis depuis si long-temps en possession la plupart des voyageurs! Mais chez lui ce sont des erreurs geographiques si grossieres, des fables si sottes, des descriptions de peuples et de contrees imaginaires si ridicules, enfin des aneries si revoltantes, qu'en verite on ne sait quel nom lui donner. Il en couteroit d'avoir a traiter de charlatan un ecrivain. Que seroit-ce donc si on avoit a la qualifier de hableur effronte? Cependant comment designer le voyageur qui nous cite des geans de trente pieds de long; des arbres dont les fruits se changent en oiseaux qu'on mange; d'autres arbes qui tous les jours sortent de terre et s'en elevent depuis le lever du soleil jusqu'a midi, et qui depuis midi jusqu'au soir y rentrent en entier; un val perilleux, dont il avoit pres la fiction dans nos vieux romans de chevalerie, val ou il dit avoir eprouve de telles aventures qu'infalliblement il y auroit peri si precedemment il n'auoit receu Corpus Domini (s'il n'avoit communie); un fleuve qui sort du paradis terrestre et qui, au lieu d'eau, roule des pierres precieuses; ce paradis qui, dit-il, est au commencement de la terre et place si haut qu'il touche de pres la lune; enfin mille autres impostures ou sottisses de meme espece, qui denotent non l'erreur de la betise et de la credulite, mais le mensonge de la reflexion et de la fraude?
Je regarde meme comme tels, ces trente-cinq ans qu'il dit avoir employes a parcourir le monde sans avoir songe a revenir dans sa patrie que quand enfin la goute vint le tourmenter.
Quoiqu'il en existe trois editions imprimees, l'une en 1487 chez Jean Cres, l'autre en 1517 chez Regnault, la troisieme en 1542 chez Canterel, on ne le connoit guere que par le court extrait qu'en a publie Bergeron. Et en effet cet editeur l'avoit trouve si invraisemblable et si fabuleux qu'il l'a reduit a douze pages quoique dans notre ma.n.u.scrit il en contienne cent soixante et dix-huit.
Dans le quinzieme siecle, nous eumes deux autres voyages en Terre-Sainte: l'un que je publie aujourd'hui; l'autre, par un carme nomme Huen, imprime en 1487, et dont je ne dirai rien ici, parce qu'il est posterieur a l'autre.
La meme raison m'empechera de parler d'un ouvrage mis au jour par Mamerot, chantre et chanoine de Troyes. D'ailleurs celui-ci, int.i.tule pa.s.sages faiz oultre-mer par les roys de France et autres princes et seigneurs Francois contre les Turcqs et autres Sarrasins et Mores oultre-marins, n'est point, a proprement parler, un voyage, mais une compilation historique des differentes craisades qui ont eu lieu en France, et que l'auteur, d'apres la fausse Chronique de Turpin et nos romans de chevalerie, fait commencer a Charlemagne. La Bibliotheque nationale possede de celui-ci un magnifique exemplaire, orne d'un grand nombre de belles miniatures et tableaux.
Je viens a l'ouvrage de la Brocquiere; mais celui-ci demande quelque explication.
Seconde Partie.
La folie des Croisades, comme tous les genres d'ivresse, n'avoit eu en France qu'une certaine duree, ou, pour parler plus exactement, de meme que certaines fievres, elle s'etoit calmee apres quelques acces. Et a.s.surement la croisade de Louis-le-Jeune, les deux de saint Louis plus desastreuses encore, avoient attire sur le royaume a.s.sez de honte et de malheurs pour y croire ce fanatisme eteient a jamais.
Cependent la superst.i.tion cherchoit de temps a le rallumer. Souvent, en confession et dans certains cas de penitence publique, le clerge imposoit pour satisfaction un pelerinage a Jerusalem, ou un temps fixe de croisade.
Plusieurs fois meme les papes employerent tous les ressorts de leur politique et l'ascendant de leur autorite pour renouer chez les princes chretiens quelqu'une de ces ligues saintes, ou leur ambition avoit tant a gagner sans rien risquer que des indulgences.
Philippe-le-Bel, par hypocrisie de zele et de religion, affecta un moment de vouloir en former une nouvelle pour la France. Philippe-de-Valois, le prince le moins propre a une enterprise si difficile et qui exigeoit tant de talens, parut s'en occuper pendant quelques annees. Il recut une amba.s.sade du roi d'Armenie, entama des negociations avec la cour de Rome, ordonna meme des preparatifs dans le port de Ma.r.s.eille. Enfin dans l'intervalle de ces mouvemens, l'an 1332, un dominicain nomme Brochard (surnomme l'Allemand, du nom de son pays), lui presenta deux ouvrages Latins composes a dessein sur cet objet.
L'un, dans lequel il lui faisoit connoitre la contree qui alloit etre le but de la conquete, etoit une description de la Terre-Sainte; et comme il avoit demeure vingt-quatre ans dans cette contree en qualite de missionnaire et de predicateur, peu de gens pouvoient alleguer autant de droits que lui pour en parler.
L'autre, devise en deux livres, par commemoration des deux epees dont il est mention dans l'Evangile, sous-divise en douze chapitres a l'honneur des douze apotres, traitoit des differentes routes entre lesquelles l'armee avoit a choisir, des precautions de detail a prendre pour le succes de l'entreprise, enfin des moyens de diriger et d'a.s.surer l'expedition.
Quant a celui-ci, dont les matieres concernent entierement la marine et l'art militaire, on est surpris de voir l'auteur l'avoir entrepris, lui qui n'etoit qu'un simple religieux. Mais qui ne sait que, dans les siecles d'ignorance, quiconque est moins ignorant que ses contemporains, s'arroge le droit d'ecrire sur tout? D'ailleurs, parmi les conseils que Brochard donnoit au roi et a ses generaux, son experience pouvoit lui en avoir suggere quelquesuns d'utiles. Et apres tout, puisque dans la cla.s.se des n.o.bles auxquels il eut appartenu de traiter ces objets, il ne se trouvoit personne peut-etre qui put offrir et les memes connoissances locales que lui et un talent egal pour les ecrire, pourquoi n'auroit-il pas hasarde ce qu'ils ne pouvoient faire?
Quoiqu'il en soit du motif et de son excuse, il paroit que l'ouvrage fit sur le roi et sur son conseil une impression favorable. On voit au moins, par la continuation de la Chronique de Nangis, que le monarque envoya in terram Turcorum Jean de Cepoy et l'eveque de Beauvais avec quelque peu d'infanterie ad explorandos portus et pa.s.sus, ad faciendos aliquas munationes et praeparationes victualium pro pa.s.sagio Terre Sanctae; et que la pet.i.te troupe, apres avoir remporte quelques avantages aussi considerables que le permettoient ses foibles forces, revint en France l'an 1335. [Footnote: Spicil. t. II. p. 764.]
Au reste tout ce fracas d'armemens, de preparatifs et de menaces dont le royaume retent.i.t pendant quelques annees, s'evanouit en un vain bruit. Je ne doute point que, dans les commencemens, le roi ne fut de bonne foi. Sa vanite s'etoit laissee eblouir par un projet brillant qui alloit fixer sur lui les yeux de l'Asie et de l'Europe; et les esprits mediocres ne savent point resister a la seduction de pareilles chimeres. Mais bientot, comme les caracteres foibles, fatigue des difficultes, il chercha des pretextes pour se mettre a l'ecart; et dans ce dessein il demanda au pape des t.i.tres et de l'argent, que celui-ci n'accorda pas. Alors on ne parla plus de l'expedition; et tout ce qu'elle produisit fut d'attirer la colere et la vengeance des Turcs sur ce roi d'Armenie, qui etoit venu en France solliciter contre eux une ligue et des secours.
Au siecle suivant, la meme fanfaronnade eut lieu a la cour de Bourgogne, quoique avec un debut plus serieux en apparence.
L'an 1432, cent ans apres la publication des deux ouvrages de Brochard, plusieurs grands seigneurs des etats de Bourgogne et officiers du duc Philippe-le-Bon font le pelerinage de la Terre-Sainte. Parmi eux est son premier ecuyer tranchant nomme la Brocquiere. Celui-ci, apres plusieurs courses devotes dans le pays, revient malade a Jerusalem, et pendant sa convalescence il y forme le hardi projet de retourner en France par la voie de terre. C'etoit s'engager a traverser toute la partie occidentale d'Asie, toute l'Europe orientale; et toujours, excepte sur la fin du vovage, a travers la domination musulmane. L'execution de cette entreprise, qui aujourd'hui meme ne seroit point sans difficultes, pa.s.soit alors pour impossible. En vain ses camarades essaient de l'en detourner: il s'y obstine; il part, et, apres avoir surmonte tous les obstacles, il revient, dans le cours de l'annee 1433, se presenter au duc sous le costume Sarrasin, qu'il avoit ete oblige de prendre, et avec le cheval qui seul avoit fourni a cette etonnante traite.
Une si extraordinaire aventure ne pouvoit manquer de produire a la cour un grand effet. Le duc voulut que le voyageur en redigeat par ecrit la relation. Celui-ci obeit; mais son ouvrage ne parut que quelques annees apres, et meme posterieurement a l'annee 1438, puisque cette epoque y est mentionnee, comme on le verra ci-dessous.
Il n'etoit guere possible que le duc eut journellement sous les yeux son ecuyer tranchant sans avoir quelquefois envie de le questionner sur celte terre des Mecreans; et il ne pouvoit guere l'entendre, sur-tout a table, sans que sa tete ne s'echauffat, et ne format aussi des chimeres de croisade et de conquete.
Ce qui me fait presumer qu'il avoit demande a la Brocquiere des renseignemens de ce genre, c'est que celui-ci a insere dans sa relation un long morceau sur la force militaire des Turcs, sur les moyens de les combattre vigoureus.e.m.e.nt, et, quoiqu'avec une armee mediocre mais bien conduite et bien organisee, de penetrer sans risques jusqu'a Jerusalem.
a.s.surement un episode aussi etendu et d'un resultat aussi important est a remarquer dans un ouvrage presente au duc et compose, par ses ordres; et l'on conviendra qu'il n'a guere pu y etre place sans un dessein formel et une intention particuliere.
En effet on vit de temps en temps Philippe annoncer sur cet objet de grands desseins; mais plus occupe de plaisirs que de gloire, ainsi que le prouven les quinze batards connus qu'il a laisses, toute sa forfanterie s'evaporoit en paroles. Enfin cependant un moment arriva ou la chretiente, alarmee des conquetes rapides du jeune et formidable Mahomet II. et de l'armement terrible qu'il preparoit contre Constantinople, crut qu'il n'y avoit plus de digue a lui opposer qu'une ligue generale.
Le duc, qui, par l'etendue et la population de ses etats, etoit plus puissant que beaucoup de rois, pouvoit jouer dans la coalition un role important. Il affecta de se montrer en scene un des premiers; et pour le faire avec eclat, il donna dans Lille en 1453 une fete splendide et pompeuse, ou plutot un grand spectacle a machines, fort bizarre dans son ensemble, fort disparate dans la mult.i.tude de ses parties, mais le plus etonnant de ceux de ce genre que nous ait transmis l'histoire. Ce spectacle dont j'ai donne ailleurs la description, [Footnote: Hist. de la vie privee des Francais, t. III, p. 324.] et qui absorba en pur faste des sommes considerables qu'il eut ete facile dans les circonstances d'employer beaucoup mieux, se termina par quelques voeux d'armes tant de la part du duc que de celle de plusieurs seigneurs de sa cour: et c'est tout ce qui en resulta. Au reste il eut lieu en fevrier, et Mahomet prit Constantinople en Mai.
La nouvelle de ce desastre, les ma.s.sacres horribles qui avoieni accompagne la conquete, les suites incalculables qu'elle pouvon avoir sur le sort de la chretiente, y rependirent la consternation. Le duc alors crut qu'il devoit enfin se p.r.o.noncer autrement que par des propos et des fetes. Il annonca une croisade, leva en consequence de grosses sommes sur ses sujets, forma meme une armee et s'avanca en Allemagne. Mais tout-a-coup ce lion fougueux s'arreta. Une incommodite qui lui survint fort a propos lui servit de pretexte et d'excuse; et il revint dans ses etats.
Neanmoins il affecta de continuer a parler croisades comme auparavant. Il chargea meme un de ses sujets, Joseph Mielot, chanoine de Lille, de lui traduire en Francais les deux traites de Brochard dont j'ai parle ce-dessus. Enfin, quand le Pape Pie II. convoqua dans Mantoue en 1459, une a.s.semblee de princes chretiens pour former une ligue contre Mahomet, il ne manqua pas d'y envoyer ses amba.s.sadeurs, a la tete desquels etoit le duc de Cleves.
Mielot finit son travail en 1455, et le court preambule qu'il a mis en tete l'annonce. Les deux traductions se trouvent dans un de ces ma.n.u.scrits que la Bibliotheque nationale a recus recemment de la Belgique. Elles sont, pour l'ecriture, de la meme main que le voyage de la Brocquiere; mais quoique des trois ouvrages celui-ci ait du paroitre avant les deux autres, tout trois cependant, soit par economie de reliure, soit par a.n.a.logie de matieres, ont ete reunis ensemble; et ils forment ainsi un gros volume in-folio, numerote 514, relie en bois avec basane rouge, et int.i.tule au dos, Avis directif de Brochard.
Ce ma.n.u.scrit, auquel son ecriture, sa conservation, ses miniatures, et le beaux choix de son velin donnent deja beaucoup de prix, me paroit en acquerir d'avantage encore sous un autre aspect, en ce qu'il est compose, selon moi, des traites originaux presentes par leurs auteurs a Philippe-le-Bon, ou de l'exemplaire, commande par lui a l'un de ses copistes sur l'autographe des auteurs, pour etre place dans sa bibliotheque.
Je crois voir la preuve de cette a.s.sertion non seulement dans la beaute du ma.n.u.scrit, et dans l'ecusson du prince, qui s'y trouve armorie en quatre endroits, et deux foix avec sa devise Aultre n'aray; mais encore dans la vignette d'un des deux frontispices, ainsi que dans la miniature de l'autre.
Cette vignette, qui est en tete du volume, represente Mielot a genoux, faisant l'offrande de son livre au duc, lequel est a.s.sis et entoure de plusieurs courtisans, dont trois portent, comme lui, le collier de la Toison.
Dans la miniature qui precede le Voyage, on voit la Brocquiere faire de la meme maniere son offrande. Il est en costume Sarrasin, ainsi qu'il a ete dit ci-dessus, et il a aupres de lui son cheval, dont j'ai parle.
Quant a ce duc Philippe qu'on surnomma le Bon, ce n'est point ici le lieu d'examiner s'il merita bien veritablement ce t.i.tre glorieux, et si l'histoire n'auroit pas a lui faire des reproches de plus d'un genre. Mais, comme litterateur, je ne puis m'empecher de remarquer ici, a l'honneur de sa memoire, que les lettres au moins lui doivent de la reconnoissance; que c'est un des princes qui, depuis Charlemagne jusqu'a Francois I'er, ait le plus fait pour elles; qu'au quinzieme siecle il fut dans les deux Bourgognes, et dans la Belgique sur-tout, ce qu'au quatorzieme Charles V.
avoit ete en France; que comme Charles, il se crea une bibliotheque, ordonna des traductions et des compositions d'ouvrages, encouragea les savans, les dessinateurs, les copistes habile; enfin qu'il rendit peut-etre aux sciences plus de services reels que Charles, parce qu'il fut moins superst.i.tieux.
Je donnerai, dans l'Histoire de la litterature Francaise, a laquelle je travaille, des details sur ces differens faits. J'en ai trouve des preuves multipliees dans les ma.n.u.scrits, qui de la Belgique ont pa.s.se a la Bibliotheque nationale, ou, pour parler plus exactement, dans les ma.n.u.scrits de la bibliotheque de Bruxelles, qui faisoient une des portions les plus considerables de cet envoi.
Cette bibliotheque, pour sa partie Francaise, qui est specialement confiee a ma surveillance, et qu'a ce t.i.tre j'ai parcourue presque en entier, etoit composee de plusieurs fonds particuliers, dont les princ.i.p.aux sont:
1. Un certain nombre de ma.n.u.scrits qui precedemment avoient forme la bibliotheque de Charles V, celle de Charles VI, celle de Jean, duc de Berri, frere de Charles V, et qui pendant les troubles du royaume sous Charles VI, et dans les commencemens du regne de son fils, furent pilles et enleves par les ducs de Bourgogne. Ceux de Jean sont reconnoissables a sa signature, apposee par lui a la derniere page du volume et quelquefois en plusieurs autres endroits. On reconnoit ceux de deux rois a l'ecu de France blasonne qu'on y a peint, a leurs epitres dedicatoires, a leurs vignettes, qui representent l'offrande du livre fait au monarque, et le monarque revetu du manteau royal. Il en est d'autres, provenus de ces deux depots, sur l'enlevement desquels je ne puis alleguer des preuves aussi authentiques, parce que dans le nombre il s'en trouvoit beaucoup qui n'etoient point ornes de miniatures, ou qui n'avoient point ete offerts au roi, et qui par consequent ne peuvent offrir les memes signalemens que les premiers; mais j'aurois, pour avancer que ceux-la ont ete pris egalement, tant de probabilites, tant de conjectures vraisemblables, qu'elles equivalent pour moi a une preuve positive.
2. Les ma.n.u.scrits qui appartinrent legitimement aux ducs de Bourgogne, c'est-a-dire qui furent, ou acquis par eux, ou dedies et presentes a eux, ou commandes par eux, soit comme ouvrages, soit comme simples copies. Dans la cla.s.se des dedies, le tres-grand nombre l'a ete a Philippe-le-Bon; dans celle des faits par ordre, presque tous furent ordonnes par lui: et c'est la qu'on voit, comme je l'ai dit plus haut, l'obligation qui lui ont les lettres et tout ce qu'il fit pour elles.
3. Les ma.n.u.scrits qui, apres avoir appartenu a des particuliers, ou a de grands seigneurs des estats de Bourgogne, ont pa.s.se en differens temps et d'une maniere quelconque dans la bibliotheque de Bruxelles. Parmi ceux-ci l'on doit distinguer specialenient ceux de Charles de Croy, comte de Chimay, parrain de Charles-Quint, chevalier de la toison, fait en 1486 prince de Chimay par Maximilien. Les siens sont a.s.sez nombreux, et ils portent pour signe distinctif ses armoiries et sa signature, appose par lui-meme.
De tout ceci il resulte, quant au merite de la collection Francaise de Bruxelles, qu'elle ne doit guere offrir que des ma.n.u.scrits modernes. J'en ai effectivement peu vu qui soient precieux par leur anciennete, leur rarete, la nature de l'ouvrage; mais beaucoup sont curieux par leur ecriture, leur conservation, et specialement par leurs miniatures; et ces miniatures seront un objet interessant pour les personnes qui, comme moi, entreprendont l'histoire des arts dans les bas siecles. Elles leur prouveront qu'en Belgique l'etat florissant de certaines manufactures y avoit fort avance l'art de la peinture et du dessin. Mais je reviens aux trois traites de notre volume.
Je ne dirai qu'un mot sur la description de la Palestine par Brochard, parce que l'original Latin ayant, ete imprime elle est connue, et que Mielot, dans le preambule de sa traduction, a.s.sure, ce dont je me suis convaincu, n'y avoir adjouste rien de sien. Brochard, de son cote, proteste de son exact.i.tude. Non seulement il a demeure vingt-quatre ans dans le pays, mais il l'a traverse dans son double diametre du nord au sud, depuis le pied de Liban jusqu'a Bersabee; et du couchant au levant, depuis la Mediterranee jusqu'a la mer Morte. Enfin il ne decrit rien qu'il n'ait, pour me servir des termes de son traducteur, veu corporellement, lui, estant en iceulx lieux.
La traduction commence au folio 76 de notre volume, et elle porte pour t.i.tre: Le livre de la description de la Terre-Saincte, fait en l'onneur et loenge de Dieu, et complete jadis, l'an M.III'e.x.x.xII, par frere Brochard, l'Aleman, de l'ordre des Preescheurs.
Son second ouvrage etant inedit, j'en parlerai plus au long, mais uniquement d'apres la traduction de Mielot.
Le volume est compose de deux parties, et porte pour t.i.tre, Advis directif (conseils de marche et de direction) pour faire le pa.s.sage d'oultremer.
On a pour ce pa.s.sage, dit Brochard, deux voies differentes, la terre et la mer; et il conseille au roi de les employer toutes les deux a la fois, la premiere pour l'armee, la seconde pour le transport des vivres, tentes, machines, et munitions de guerre, ainsi que pour les personnes qui sont accoutumees a la mer.
Celle-ci exigera dix a douze galeres, qu'on pourra, par des negociations et des arrangemens, obtenir des Genois et des Venitiens. Les derniers possedent Candie, Negrepont et autres iles, terres, ou places importantes.
Les Genois ont Pera, pres de Constantinople, et Caffa, dans la Tartarie.
D'ailleurs les deux nations connoissent bien les vents et les mers d'Asie, de meme que la langue, les iles, cotes et ports du pays.
Si l'on choisit la voie de mer, on aura le choix de s'embarquer, soit a Aigues-Mortes soit a Ma.r.s.eille ou a Nice: puis on relachera en Cypre, comme fit Saint Louis. Mais la mer et le sejour des vaisseaux ont de nombreux inconveniens, et il en resulte de facheuses maladies pour les hommes et pour les chevaux. D'ailleurs on depend des vents: sans cesse on est reduit a craindre les tempetes et le changement de climat. Souvent meme, lorsqu'on ne comptoit faire qu'une relache, on se voit force de sejourner. Ajoutez a ces dangers les vins de Cypre, qui de'leur nature sont trop ardents. Si vous y mettez de l'eau, ils perdent toute leur saveur; si vous n'en mettez point, ils attaquent le cerveau et brulent les entrailles. Quand Saint Louis hiverna dans l'ile, l'armee y eprouva tous ces inconveniens. Il y mourut deux cens et cinquante, que contes, que barons, que chevaliers, des plus n.o.ble qu'il eust en son ost.