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Collections and Recollections Part 27

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s'ecriait Lord John Russell, "nous ca.s.sent le tympan avec le cri: 'Le roi et l'Eglise.' Savez-vous ce qu'ils entendent par la? C'est une Eglise sans evangile et un roi qui se met au-dessus de la loi."

Oxford--clerical et litteraire--etait tory; Cambridge, scientifique, qui avait eu Newton et attendait Darwin, etait whig. Il est bon que la politique inspire de telles pa.s.sions: car, au total, c'est la lutte entre les principes fondamentaux, et l'enjeu est de nature telle que nul n'a le droit de se desinteresser de la partie. Car l'enjeu ce sont les hommes memes, leurs privileges et leurs droits, et s'ils se desinteressent, ils n'ont que ce qu'ils meritent le jour ou la force s'appesant.i.t sur eux brutalement.

A n'entendre parler que de politique, les enfants memes se troublaient "Maman," demandait la fille d'un whig eminent; "les tories naissent-ils mechants, ou bien le deviennent-ils?" "Ils naissent mechants," repliqua la mere, "et deviennent pires....' Une vieille fille excentrique, que l'auteur a connue, ne consentait a monter dans une voiture de louage qu'apres avoir demande au cocher s'il n'avait point transporte de malades atteints d'une maladie infectieuse, s'il n'etait pas puseyite, et enfin s'il adherait au programme whig.

"La pa.s.sion aveugle," dit Topffer: elle aveuglait sur la moralite des procedes. Pitt, en visite chez une femme qui occupait un rang eleve dans le monde whig, au moment d'une election, dit a son interlocutrice: "Eh bien! vous savez, nous l'emporterons. Dix mille guinees partiront demain par un homme de confiance pour le Yorkshire, et c'est pour notre usage qu'elles partent." "Du diable s'il en est ainsi," replique la dame. Et la nuit meme le porteur etait arrete, et son precieux fardeau allait grossir les poches des electeurs qui voterent pour le candidat whig et en a.s.surerent la nomination.

C'est au cours de ces luttes politiques, pleines de feu et glorieuses, qui marquerent princ.i.p.alement le debut de ce siecle, et firent tant de bien a la nation, que les barrieres entre les castes commencerent a s'abaisser. Jusque-la, il n'y avait point de rapports entre l'aristocratie et la cla.s.se moyenne, en dehors des cas, encore rares, ou la premiere patronnait l'aristocratie intellectuelle. (Voyez _La Vie de Johnson_ par Boswell, par exemple.)

Les choses allaient a ce point que Wilberforce refusa la pairie pour ne point retirer a ses fils le privilege de frequenter chez les _gentlemen_, les familles du commerce, etc. A l'ecole--et c'est lord Bathurst qui a raconte ceci a l'auteur--les fils de n.o.bles etaient a.s.sis sur un banc a part, loin du contact avec les roturiers. Il fallait garder la tradition. C'est ce que faisait le marquis d'Abercorn, qui mourut en 1818. Il n'allait jamais a la cha.s.se sans arborer sa decoration--son _Blue Ribbon_--et exigeait que pour faire son lit les femmes de chambre eussent les mains gantees, et de gants de peau, pas de fil.... Avant d'epouser sa cousine Hamilton, il la fit an.o.blir par le regent, pour ne pas se marier au-dessous de sa condition. Et quand il apprit qu'elle le voulait planter la pour suivre un amant, il la pria de prendre le carrosse de famille afin qu'il ne fut pas dit que Lady Abercorn avait quitte le domicile conjugal dans une voiture de louage. A ses yeux cette "voiture de louage" jetait evidemment un grand discredit sur les operations. On a de la race ou l'on n'en a pas.

Nous avons dit plus haut que M.G.W.E. Russell avait connu beaucoup d'hommes marquants de ce siecle, et avait eu avec eux des relations personnelles. Il en fut de toutes sortes; leurs opinions religieuses et politiques etaient souvent tres opposees, mais tous etaient au nombre des, notabilites du jour. Sur chacun d'eux, notre auteur donne son impression personnelle, et rappelle des souvenirs personnels ou des anecdotes interessantes. Nous ne pouvons les pa.s.ser tous en revue: mais on en peut citer quelques-uns.

Sir Moses Montefiore ne fut pas le plus celebre: mais il avait une specialite. Ne en 1784, il mourut en 1885, ayant ete toute sa vie un objet d'horreur pour les _teetotallers_; car de quel oeil en verite pouvaient-ils considerer un homme qui buvait chaque jour une bouteille de porto, et a qui la Providence permettait de se bien porter? C'etait indecent...

Une physionomie plus curieuse etait celle de Lord Russell, plein d'anecdotes, spirituel, souvent froid en apparence, a l'occasion eloquent. A une dame qui demandait la permission de lui dedier un livre, il repliquait qu'a son grand regret il se voyait oblige de refuser: "parce que, comme chancelier de l'Universite d'Oxford, il avait ete tres expose aux auteurs."

Pour un chef politique, il avait un grave defaut. Sa memoire des visages etait tres faible. Il se rencontra une fois en Ecosse chez un ami commun avec le jeune Lord D...., depuis comte de S.... Le jeune homme lui plut par sa personne et par ses opinions _whig_. Quand vint l'heure de la separation, Lord John dit a Lord D.... tout le plaisir qu'il avait eu a faire sa connaissance, et ajouta: "Maintenant il faut que vous veniez me donner votre appui a la Chambre des communes." "Mais je ne fais pas autre chose depuis dix ans," repondit le jeune politicien. Son chef ne l'avait pas reconnu. Avec cela des distractions qui auraient pu le faire croire denue d'education alors qu'il n'etait que denue d'artifice.

Etant a.s.sis un soir a un concert a Buckingham Palace, aux cotes de la d.u.c.h.esse de Sutherland, il se leva tout a coup, et s'en fut au fond de la piece, ou il s'a.s.sit aupres de la d.u.c.h.esse d'Inverness. La chose fut remarquee, et l'on soupconna quelque querelle, aussi fut-il interroge par un ami sur la cause de son att.i.tude, et il repondit et toute sincerite: "Je ne pouvais rester plus longtemps aupres d'un feu aussi vif: je me serais evanoui." "Ah! tres bien: la raison est bonne en effet, mais au moins avez-vous dit a la d.u.c.h.esse de Sutherland la raison de votre changement de place?" "Tiens, non, je ne crois pas le lui avoir dit: mais j'ai dit a la d.u.c.h.esse d'Inverness pourquoi je venais m'a.s.seoir pres d'elle."

Il n'etait pas diplomate--comme on le peut voir--mais il avait de l'esprit, et sa conversation etait pleine d'anecdotes curieuses. Il avait converse avec Napoleon a l'ile d'Elbe. Celui-ci l'avait pris par l'oreille, et lui avait demande ce qu'en Angleterre on pensait des chances qu'il pouvait avoir de remonter sur le trone de France. "Sire,"

repondit Russell, "les Anglais considerent vos chances comme nulles."

"Alors vous pouvez leur dire de ma part qu'ils se trompent."

Autre physionomie interessante, celle de Lord Shaftesbury, un beau type d'aristocrate, au physique comme au moral, tres sensible et compatissant, un philanthrope bon et loyal, anti-esclavagiste militant.

"Pauvres enfants," disait-il en ecoutant le recit d'un inspecteur d'ecole d'enfants a.s.sistes. "Que pouvons-nous faire pour eux?" "Notre Dieu subviendra a tous leurs besoins," dit l'inspecteur, en servant le cliche habituel. "Oui, sans doute, mais il faut qu'ils aient a manger tout de suite," dit Shaftesbury, et sur l'heure il rentre chez lui, et expedie 400 rations de soupe. Le quiproquo d'un journaliste americain l'amusa fort. Devenu Lord Shaftesbury apres avoir longtemps porte le nom de Lord Ashley, il signa une lettre sur l'emanc.i.p.ation des esclaves des Etats-Unis du Sud. "Ou etait-il donc, ce lord Shaftesbury," demandait le journaliste, "pendant que ce n.o.ble coeur, Lord Ashley, seul et sans appui, se faisait le champion des esclaves anglais dans les manufactures du Lancashire et du Yorkshire?" C'etait un type admirable de grand seigneur, et de grand coeur, et l'on comprend ce que lui disait Beaconsfield, avec un peu d'emphase, une fois qu'il prenait conge, apres lui avoir rendu visite dans son chateau: "Adieu, mon cher lord. Vous m'avez donne le privilege de contempler l'un des plus impressionnants des spectacles; de voir un grand n.o.ble anglais vivant a l'etat patriarcal dans son domaine hereditaire."

Puis c'est Lord Houghton, qui avait de l'esprit et de la psychologie. Il venait de gagner une livre a un jeune homme de ressources tres modestes, au cours d'une partie de whist, et comme il empochait la piece: "Ah! mon cher enfant," dit-il, "le _grand_ Lord Hertford, que les sots appellent le _mechant_ Lord Hertford, avait accoutume de dire: Il n'y a pas de plaisir a gagner de l'argent a un homme qui ne sent point sa perte.

Comme c'est vrai!"

Et apercevant un jeune ami, au club, qui faisait un souper de pate de foie gras et de Champagne, il lui fit un regard d'encouragement: "Voila qui est bien, mon ami: toutes les choses agreables de la vie sont malsaines, ou couteuses, ou illicites." C'est un peu la philosophie du _Pudd'n-head Wilson_ de Mark Twain, qui declare que, pour bien faire dans la vie, il faut se priver de tout ce que l'on aime, et faire tout ce que l'on n'aime point.

Notre auteur n'a point connu Wellington, mais des anecdotes lui ont ete fournies a son egard, de premiere main.

C'etait lors du couronnement de la reine Victoria. Celle-ci voulait aller au palais de Saint-James, n'ayant dans son carrosse que la d.u.c.h.esse de Kent et une dame d'honneur; mais Lord Albemarle, _master of the Horse_, exposa qu'il avait le droit de faire le trajet avec la reine, dans la meme voiture, comme il l'avait fait avec Guillaume IV.

De la, discussion. L'affaire fut soumise au duc de Wellington, considere comme une sorte d'arbitre en choses de la cour. Sa reponse fut precise et peu satisfaisante. "La reine seule a droit de decider," dit-il: "elle peut vous faire aller dans la voiture ou hors de la voiture, ou courir derriere comme un s... chien de raccommodeur."

A un autre moment le gouvernement meditait une expedition en Birmanie pour la prise de Rangoon, et l'on se demandait a quel general la tache serait confiee. Le cabinet consulta Wellington. Celui-ci repliqua aussitot: 'Envoyez Lord Combermere.'

"Mais nous avons toujours compris que Votre Seigneurie considerait Lord Combermere comme un imbecile...." "a.s.surement, c'est un imbecile,"

repliqua Wellington, "c'est un s... imbecile, mais il peut bien prendre Rangoon."

Autre trait de la meme periode, et qui se rapporte a Lord Melbourne.

La reine Victoria venait de se fiancer, et elle voulait que le prince Albert fut fait roi consort, par acte du Parlement. Elle parla de ceci a Lord Melbourne, le premier ministre. Celui-ci commenca par eviter la discussion, mais comme Sa Majeste insistait pour obtenir un avis categorique: "Pour l'amour de Dieu, Madame, ne parlons plus de ceci.

Car, une fois que vous aurez donne a la nation anglaise le moyen de faire des rois, vous lui aurez aussi donne le moyen de les defaire."

Il avait de la philosophie, Lord Melbourne.... C'est lui qui disait que l'intelligence n'est pas toujours indispensable: le grand avantage du celebre ordre de la Jarretiere, ajoutait-il, c'est qu'au moins "il n'y a pas, dans toute cette bete d'histoire, de _merite_ a l'avoir." Lord Melbourne avait la bosse de l'esprit pratique, en meme temps que la philosophie.

Pour les personnalites plus modernes, notre auteur insiste a.s.sez longuement sur Disraeli, _alias_ Dizzy, _alias_ encore Lord Beaconsfield. C'etait un homme ingenieux.

"On m'accuse d'etre un flatteur," disait-il a Matthew Arnold. "Cela est vrai, je suis un flatteur. Il est utile de l'etre. Chacun aime la flatterie, et, si vous approchez les rois, il faut l'empiler avec une truelle...." "Mon secret, c'est de ne jamais contredire et de ne jamais nier; j'oublie quelquefois...."

Il savait etre aimable quand il le fallait, et voici son procede pour se faire bien venir des personnes qu'il ne reconnaissait pas, mais qui le connaissaient, a en juger par leur maniere de venir a lui: "Eh bien!"

disait-il sur un ton d'affectueuse sollicitude, "et le vieil ennemi, que fait-il?" (_How is the old complaint?_ Comment va l'indisposition accoutumee?) Cela tombait rarement a faux; et cela faisait toujours plaisir.

Bismarck, qui s'y connaissait, avait une haute opinion de Disraeli, "Salisbury est sans importance," disait-il durant le congres de Berlin: "ce n'est qu'une baguette peinte pour ressembler a du fer. Mais ce vieux juif--Disraeli--s'entend aux affaires."

Un amusant episode se rapporte au meme congres, et au meme "vieux juif."

Lord Beaconsfield arriva a Berlin la veille de l'ouverture, et l'amba.s.sade anglaise le recut avec beaucoup d'apparat. Dans le courant de la soiree un des secretaires vint trouver Lord Odo Russell qui etait l'amba.s.sadeur en ce moment et lui dit:

"Nous sommes dans un terrible embarras. Vous seul pouvez nous en tirer.

Le vieux chef a resolu d'ouvrir le congres avec un discours en francais.... Il a redige une longue oraison, en francais, et il l'a apprise par coeur. Il ouvrira les ecluses demain. L'Europe entiere va se moquer de nous: sa p.r.o.nonciation est execrable. Nous perdrions nos places a vouloir le lui dire: voulez-vous nous tirer d'affaire?"

"La mission est delicate," fit Lord Odo: "mais j'aime les missions delicates. Je vais voir ce que je puis faire."

Il alla rejoindre Dizzy dans la chambre a coucher d'honneur de l'amba.s.sade.

"Mon cher lord," dit-il, "une terrible rumeur est arrivee jusqu'a mes oreilles."

"Vraiment, qu'est-ce donc?"

"On nous dit que vous avez l'intention d'ouvrir demain les travaux du congres en francais."

"Eh bien! et apres?"

"Ce qu'il y a, c'est que nous savons tous que nul en Europe n'est mieux en etat de ce faire. Mais, a tout prendre, faire un discours en francais est un tour de force ba.n.a.l. Il y aura au congres au moins une demi-douzaine d'hommes qui pourraient en faire autant, presque aussi bien. Mais, d'un autre cote, qui donc, hormis vous, pourrait p.r.o.noncer un discours en anglais? Tous ces plenipotentiaires sont venus des differentes cours d'Europe dans l'expectative du plus grand regal intellectuel de leur existence: entendre parler en anglais par le maitre le plus eminent de la langue. La question est de savoir si vous les voulez desappointer?..."

Dizzy ecouta avec attention, mit son monocle, considera Lord Odo, et dit enfin:

"11 y a un argument serieux dans ce que vous me dites la. Je vais y reflechir."

Et il y reflechit si bien que le lendemain il ouvrait le congres en langue anglaise. Avait-il reellement avale la flatterie, ou bien avait-il compris--fut-ce vaguement--son inferiorite en francais? On ne sait; mais un flatteur tel que lui devait avoir quelque mefiance; et la seconde hypothese est sans doute la plus exacte.

Autre anecdote. Il dinait un jour a cote de la princesse de Galles, et se blessa le doigt en voulant couper du pain trop dur. La princesse, pleine de grace, entoura le doigt de son propre mouchoir. Et Dizzy, avec a-propos, de s'exclamer:

"Je leur ai demande du pain, et c'est une pierre qu'ils m'ont donnee.... Mais j'ai eu une princesse pour panser mes plaies."

Sa mort fut longue et douloureuse. Pendant six semaines elle approcha et s'eloigna tour a tour. Un ami--ce nom est-il bien en situation--trouva le courage de dire a ce propos: "Ah! le voila bien; il exagere: il a toujours exagere."

Sur Gladstone, Newman et beaucoup d'autres, il faut pa.s.ser rapidement.

Manning a toutefois laisse une grande impression a l'auteur, par sa prestance et sa dignite. Il etait malicieux aussi.

Peu apres la mort de Newman, un article necrologique parut dans une revue, qui etait piquant et meme mechant. Manning fut interroge a ce propos; il declara qu'il plaignait l'auteur de l'avoir ecrit, que celui-ci devait avoir un fort mauvais esprit, etc., mais, ajouta-t-il: "Si vous demandez si c'est bien la Newman, je suis bien oblige de vous le dire; c'est une vraie photographie."

On peut du reste ouvrir _Collections and Recollections_ au hasard; a toute page c'est un trait curieux et spirituel qui se montre. J'en cite quelques-uns, "tout venant," comme disent les carriers. Les deux premiers rapportent a Henry Smith, un Irlandais des plus spirituels, qui fut professeur de geometrie a Oxford. Un homme politique eminent, qui est actuellement un des premiers jurisconsultes de son pays, et dont le princ.i.p.al defaut est une suffisance exageree, se presentait aux elections en 1880, comme candidat liberal. Pour le discrediter, ses adversaires politiques le representerent aux elections comme athee; c'etait une manoeuvre. Apprenant cette accusation, Henry Smith s'ecria, avec une indignation feinte:

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